Les épices médiévales

Les épices dans la cuisine médiévale

On trouve dans la cuisine médiévale une véritable foison d’épices. Les historiens du XIX° et du début de ce siècle ont fait passer cette cuisine pour outrancièrement épicée. D’après eux, c’était la seule méthode qu’avaient nos aïeux pour cacher le goût avarié de la viande et des poissons. On se rend compte aujourd’hui que la cuisine médiévale est une cuisine subtile et raffinée, et que les queux de l’époque savaient à merveille utiliser les saveurs et les marier. L’homme médiéval aime à manger épicé. Mais les épices, malgré leur rôle d’exhausteur de goût, jouent également un rôle social.
Les épices coûtent très cher. Ils viennent de loin, de moyen (voire d’extrême) orient, et transitent par les arabes, le sud de l’Espagne et l’Italie pour arriver sur nos tables françaises. Et ils coûtent forcément très cher. En une époque où l’habit fait le moine, montrer à ses hôtes sa richesse en servant une cuisine épicée est de bon ton. Souvent, des transactions s’effectuaient en épices, et Saint-Louis du interdire aux magistrats du royaume de recevoir plus de l’équivalent de 10 sous d’épices par semaine (sorte de « pot de vin », dont la pratique débute en 1263 par l’abbé St Gilles, qui requit auprès du roi en offrant un cornet d’épices). Déjà dans l’antiquité, les épices étaient objets de commerce et de convoitise. En l’an 408, Alaric 1er, roi des Wisigoths a exigé une rançon de plus d’une tonne de poivre (denrée précieuse, le poivre se monnayait au même titre que l’or !).
Mais les épices ont également un attrait mystique et idéologique. La religion et la présence de Dieu accompagnent la vie de l’homme médiéval. Celui-ci essaie par tous les moyens de se rapprocher du Créateur. Consommer des épices en est un. On était persuadé que tous ces épices provenaient directement du Paradis.
Kilij el Tabakh

La cannelle

Cannelle

Noms communs :

cannelle, cannelle de Ceylan, casse, cannelle de Chine, fausse cannelle, cannelle bâtarde, cannelle de Padang, cannelle de Saigon, cannelle de Cochinchine.

Noms scientifiques :

Cinnamomum verum (synonyme : zeylanicum), Cinnamomum cassia (synonyme : C.aromaticum) et autres Cinnamomum spp.

Famille :

lauracées.C’est l’écorce du cannelier, arbre de 5 à 6 m de haut provenant du Sri Lanka et du sud de l’Inde qui donne cette épice. Seule l’écorce intérieure va être utilisée après avoir été coupée en bandes et séchée au soleil pour s’enrouler sur elle-même et donner les bâtons de cannelle. Ses propriétés médicinales : facilite la digestion, stimulante et astringente.
La cannelle est une épice connue et utilisée depuis l’Antiquité, où elle était plus employée pour ses vertus pour la santé, que pour ses propriétés culinaires.
L’usage du bois épicé a encore une place prépondérante dans les cérémonies religieuses polythéistes.
Comme de nombreuses autres épices, les Égyptiens l’utilisaient pour embaumer les momies.
Les Chinois cultivaient déjà une espèce de cannelier 2 500 ans av JC qu’ils utilisaient pour les bienfaits pour la santé. C’est en empruntant la route de la soie qu’elle est arrivée en Europe.
Le mot « cannelle » provient du latin « canna » qui signifie « roseau ». Il serait utilisé dans la langue française depuis le 12ème siècle.
Au 16 ème siècle, en France, la Cannelle figurait dans plus de la moitié des recettes recensées.

Le clou de girofle

Clous de girofle

Nom commun :

giroflier.

Nom scientifique :

Syzygium aromaticum, Eugenia caryophyllata.

Famille :

Myrtaceae.Les boutons floraux du giroflier cueillis avant l’épanouissement de la corolle des fleurs donnent les clous de girofle. Etymologiquement, clou de girofle vient des mots latins clavus et caryophyllum, ce dernier étant lui-même issu du grec karuo (noyer) et phyllon (feuille).
Au IVème siècle, l’empereur romain Constantin le Grand en apporta au Pape Sylvestre, mais le commerce des clous de girofle ne s’est réellement développé dans les régions méditerranéennes qu’entre le IVème et le VIIème siècle, grâce aux Arabes qui les importaient. Au XVIème siècle, les Portugais, débarqués aux îles Moluques, tentent d’en organiser seuls le commerce. Au siècle suivant, les Hollandais prennent le relais. Les clous de girofle seront introduits en terre française à partir du XVIIIème siècle sur l’île Maurice puis en Guyane et à Madagascar, à l’initiative de l’agronome Pierre Poivre, qui organisa des expéditions sur les îles Moluques pour importer des plants et ensuite adapter leur culture.
Cette épice était très prisée au moyen-âge, une poignée valait, dit-on, le prix d’un mouton et d’un demi bœuf! Ses propriétés sont multiples : antiseptique, anesthésiant, antibactérien…
Il sert de parfum d’ambiance sous forme de « pomme d’ambre » que l’on fabrique en piquant toute la surface d’une orange de clous de girofle.

Le gingembre

Gingembre

Nom commun :

gingembre.

Nom scientifique :

Zingiber officinale.

Famille :

zingibéracées.Le gingembre est un rhizome qui se mange frais, séché et réduit en poudre, ou encore mariné – d’un goût légèrement poivré, il relève le goût des plats et se marie très bien avec la cannelle. Ses vertus sont digestives et stimulantes. Il peut être utilisé dans quantité de recettes, de l’entrée au dessert.
On pense que le foyer du genre Zingiber se situe dans le sud de l’Inde et de la Chine, où on l’emploie comme plante condimentaire, alimentaire et médicinale depuis plus de 5 000 ans, mais on n’a jamais retrouvé ses ancêtres sauvages.
Le terme « gingembre » est dérivé du sanskrit shringavera, qui signifie « en forme du bois du cerf ». De là sont apparus le grec ziggiberis et le latin zingiber, puis « gingibre » en français, et finalement « gingembre », qui apparaît pour la première fois en 1256 dans un ouvrage écrit.
L’une des premières épices orientales à faire son entrée en Europe, le gingembre y fut amené par des marchands arabes environ un siècle avant notre ère. Deux siècles plus tard, le Grec Dioscoride et le Romain Pline l’Ancien en font mention dans leurs écrits médicaux, soulignant ses propriétés carminatives et ses vertus comme antidote contre les poisons. Il était connu en France et en Allemagne au IXe siècle et en Angleterre au Xe siècle. Lors de la conquête, les Espagnols l’implantèrent aux Antilles et au Mexique de sorte que, dès le milieu du XVIe siècle, l’Espagne put importer de cette partie du globe la précieuse épice. C’était d’ailleurs la première fois que l’on cultivait avec succès une épice d’origine orientale dans le Nouveau Monde.

Le macis

MacisLe macis, également appelé « fleur de muscade », est l’épice obtenue à partir du tégument de la noix de muscade (l’arille plus précisément). C’est la fine couche entourant la noix de muscade. D’une belle couleur rouge quand il est frais, le macis devient orange en séchant. Il remplace avantageusement la noix de muscade dans toutes ses utilisations. Sa saveur est légèrement plus marquée que celle de la noix.
L’épice était très utilisée dans l’Antiquité. Depuis, il est beaucoup plus fréquent d’utiliser la noix de muscade, sauf en Hollande ou au Royaume-Uni où on l’utilise dans plusieurs plats traditionnels. Néanmoins, on retrouve aussi le macis très couramment en France, au moyen-âge et après dans la recette de l’hypocras en pays d’Oc, associé au vin et au miel.
En plus de donner un goût raffiné à vos plats, les bienfaits du macis sont nombreux. La fleur de muscade est régulièrement utilisée en cas de dysenterie, d’indigestion ou encore de diarrhée.
Au moyen-âge les gens croyaient qu’en gardant une fleur de muscade ou une noix de muscade dans la poche, ils évitaient de se rompre les os. À noter que la fleur ou la noix doit être un cadeau reçu au Nouvel An!
Epice reine aux yeux de Taillevent (de son vrai nom Guillaume Tirel, queu à la table du roi Charles V) , celui-ci en parfume un grand nombre de plats.

La noix de muscade

Muscade

Noms communs :

muscadier.

Noms scientifiques :

Myristica fragrans.

Famille :

myristicacées.La noix de muscade est l’albumen de la graine du fruit ovoïde du muscadier, un arbre tropical haut de dix à quinze mètres.
Au xve siècle, les Européens cherchent à atteindre directement les îles productrices des épices pour se les procurer à prix moindre que celui payé aux Arabes, qui les achetaient eux-mêmes aux commerçants asiatiques. Les Portugais étaient les mieux placés dans cette quête car ils avaient déjà une base à Goa, en Inde. C’est de là qu’en 1511 part une flotte dirigée par le vice-roi des Indes, Afonso de Albuquerque, qui prend Malacca, alors le plus important port d’Asie du Sud-Est. Malacca servira de base aux Portugais, qui essaieront sans succès d’imposer leur monopole à la production et au commerce des épices.
Ce seront finalement les Hollandais de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) qui, après avoir évincé les Portugais des Moluques, parviendront à imposer ce monopole.
Il était d’usage au Moyen Âge de s’offrir une noix de muscade que l’on conservait dans la poche. La croyance populaire disait que cela évitait la maladie et les fractures des os.
Les moines la prescrivaient pour ses vertus contre le mal de gorge, les hémorroïdes, la scarlatine et les maladies de la rate.
Durant la Renaissance, elle est employée en tant que médecine préventive en Occident pour lutter contre les pertes de mémoire, les vertiges et le sang dans les urines.

Le poivre

Poivre

Noms communs :

poivrier.

Noms scientifiques :

Piper nigrum.

Famille :

pipéracées.Son nom vient du sanskrit pippali, devenu en grec πέπερι (peperi), puis en latin piper.
Au moyen-âge, les épices comme le poivre étaient rares. La conquête d’Alexandrie en 642 par les Arabes marqua le début de ce commerce. Voilà pourquoi les épices les plus rares, comme le poivre, furent utilisées comme monnaie d’échange. De là vient également l’expression « cher comme poivre », ou encore « payer en espèces (épices) ». La richesse d’un noble pouvait être évaluée selon la quantité de poivre qu’il possédait. C’est ainsi que par la suite, les riches Allemands furent surnommés sacs de poivre.
Son prix exorbitant au moyen-âge et le monopole sur le commerce tenu par l’Italie négociant avec les marchands arabes, a été l’une des raisons qui ont conduit les Portugais à trouver une route maritime vers l’Inde. En 1498, Vasco de Gama devient la première personne à atteindre l’Inde en contournant l’Afrique ; alors que les marchands arabes à Calicut demandent à son messager ce qu’il est venu faire, il répond « nous cherchons des chrétiens et des épices ». À la suite du traité de Tordesillas en 1494, le Portugal se voit accorder les droits exclusifs sur la moitié du monde dont est issu le poivre noir.
Quelle est la différence entre le poivre vert, blanc, rouge et noir ?
La réponse : le niveau de maturation du fruit lors de la récolte et son mode de préparation.
– Le vert est récolté avant maturation. On le conserve d’abord dans un milieu très humide puis on le sèche. Il conserve alors sa couleur est sa saveur caractéristique.
– Le noir est récolté après le vert, le fruit arrive à maturité, mais est récolté juste avant. On va le faire passer par un processus de fermentation avant de le faire sécher. C’est le plus piquant et le plus parfumé de la famille, ainsi que le plus répandu.
– Le rouge, sûrement le moins connu de la famille, est le fruit arrivé pleinement à maturité. Il ne faut pas le confondre avec les baies roses que l’on appelle souvent à tort poivre rouge.
– Le blanc est en fait le même que le rouge, une baie mature donc, mais « nettoyée », c’est-à-dire qu’on retire la péricarpe qui recouvre la graine, ce qui lui donne une saveur plus subtile et qui le rend moins irritant pour l’estomac.
En ce qui concerne le poivre gris, ce n’est que du noir que l’on a moulu, il est gris car si vous avez bien suivi la leçon, la graine est blanche et la péricarpe est noir, d’où le gris !

La cardamome

Cardamome

Noms communs :

cardamome.

Noms scientifiques :

Elettaria cardamomum.

Famille :

zingibéracées.Cardamome – du grec καρδάμωμον/kardámômon, mot probablement d’origine indienne, transmis par les Arabes.
La cardamome est utilisée depuis toujours en Inde et au Pakistan où elle sert à communier avec les Dieux. Offrande, elle est également essentielle pour la purification des repas. Elle bénéficie également de vertus médicinales et d’anciens traités de médecine font remonter l’utilisation de cette épice plusieurs siècles avant JC. Des écrits médicinaux relatent également son utilisation dans des préparations destinées aux irritations de la gorge.
La cardamome aurait été utilisée par les romains pour ses qualités digestives, calmantes et antiseptiques.
Arrivée en France au moyen-âge avec les croisades, la cardamome parfumait les plats et rafraîchissait l’haleine.

La maniguette

Maniguette

Noms communs :

maniguette.

Noms scientifiques :

Aframomum melegueta.

Famille :

zingibéracées.On l’appelle parfois plante du paradis ou graine de paradis, malaguette, poivre de Guinée ou encore poivre du paradis.
Elle fut une des principales marchandises exportées de la côte d’Afrique de l’Ouest à partir du XIVe siècle, et a donné son nom à la Côte du Poivre dans le golfe de Guinée.
Originaire de l’Éthiopie, elle fait partie des denrées de base consommées quotidiennement dans le pays, avec la kororima, les baies de la passion et le poivre timiz.
Pendant l’antiquité, les Grecs et les Romains employaient déjà la maniguette à laquelle ils prêtaient des vertus stimulantes.
Au moyen-âge, la maniguette connaît un immense succès notamment en France. Elle est introduite au XIIIe siècle en Europe, où on l’appelle graine de paradis car bien qu’on ne savait pas d’où elle provenait, on imaginait sa provenance lointaine.
Rare et coûteux, le poivre était acheminé par la route des Indes par les marchands arabes. La maniguette, dont la saveur est proche du poivre, le remplace rapidement en Europe et particulièrement en France où elle est très prisée et surtout beaucoup moins chère. C’est pour cela que l’on retrouve le poivre de Guinée dans beaucoup de boissons médiévales comme le vin d’hypocras, certaines bières, ou dans d’anciennes recettes, alors qu’elle est quasiment inconnue aujourd’hui.
Au XVIIe siècle, la provenance des graines de paradis devient connue et elle perd ainsi de sa valeur. Le poivre et le clou de girofle affluent sur l’Europe. Au XIXe siècle, l’usage de la maniguette disparaît quasiment.

Le sumac

Sumac

Noms communs :

sumac, rhus.

Noms scientifiques :

Rhus coriaria.

Famille :

anacardiacées.Le sumac est une épice qui provient du sumac des corroyeurs (Rhus coriaria) et non du sumac vénéneux (Rhus radicans) qui lui est un poison. D’ailleurs, la plupart des variétés du sumac sont vénéneux!
Le terme sumac signifie rouge comme la couleur caractéristique de l’épice. Il provient des baies de l’arbre où il pousse que l’on écrase et fait sécher ensuite.
Son histoire est assez mystérieuse, mais il était connu des Romains antiques et utilisé au Moyen Âge.
Il aromatise les farces, le riz, les légumes et le pain en général, mélangé au yaourt avec quelques fines herbes, il devient une sauce excellente d’accompagnement. Le sumac possède de fortes capacités salantes, ne pas trop rajouter de sel si vous mettez du sumac ! Il se marie très bien avec les œufs, agneau ou veau et son gout citronné peut avantageusement remplacer le citron dans les recettes.

Le safran

Safran

Noms communs :

safran.

Noms scientifiques :

Crocus sativus.

Famille :

iridacées.Le mot safran tire son origine du latin safranum, aussi ancêtre du portugais açafrão, de l’italien zafferano et de l’espagnol azafrán. Safranum vient lui-même du mot arabe aṣfar (أَصْفَر), signifiant « jaune », via la paronymie avec le mot zaʻfarān (زَعْفَرَان), le nom de l’épice en arabe. Selon d’autres sources, s’appuyant sur la présence de cultures de safran sur le plateau iranien, safranum viendrait du persan Zarparan (زرپران), zar (زر) signifiant « or » et par (پر) signifiant « plume », ou « stigmate ».
Le safran, poétiquement appelé « Or Rouge », est l’épice la plus chère au monde.
Cette plante mystérieuse serait originaire du Cachemire, introduite en Gaule par les Phéniciens, et plus tard par les croisés au retour de Palestine. Les médecins des Pharaons la prescrivaient pour tous les maux d’estomac.
Que ce soit chez les Grecs, les Égyptiens ou les Romains, l’utilisation du safran était variée : parfum, remède, aromate et colorant.
Un papyrus égyptien datant 1550 avant JC, énonce les propriétés du safran pour la santé. Des médecins tels qu’Hippocrate, Homère, Virgile connaissaient déjà les vertus stimulantes, digestives et antispasmodiques du safran.
Lorsque Néron est entré dans Rome, du safran était répandu sur son passage. Alexandre le Grand était féru de safran : il en consommait dans son thé, son riz et en saupoudrait dans son bain, croyant en la capacité du safran à soigner ses blessures et accroitre son courage. Michel-Ange s’est servi du safran pour peindre la chapelle Sixtine.
Les pirates du 14ème siècle de la Méditerranée préféraient piller les bateaux de safran que les bateaux d’or ! Face à l’augmentation des actes de piratage, les Bâlois ont débuté leur propre culture du safran, ce qui en fit en quelques années une des villes les plus riches d’Europe.
Le mélange du safran et du miel est un excellent antiseptique, idéal pour l’hiver afin de combattre les petites infections du quotidien.
Le safran est très vitaminé. Il possède des vertus digestives et sédatives (relaxantes).
Il a la propriété de ralentir le rythme cardiaque, de diminuer la pression artérielle et de stimuler la respiration.
La médecine moderne a prouvé son action contre les crampes et contre l’asthme. Il atténue les méfaits de l’alcool.